Mirko Kovac (né en 1938 près de Bileca) est un écrivain ex-yougoslave d’origine bosniaque (Herzégovine) qui vit en Croatie et écrit en croate. L’auteur de nombreux romans (entre autres Vrata od utrobe, Gubilište, Malvina, Kristalne rešetke, Grad u zrcalu), ainsi que de nombreux recueils de nouvelles, d’essais, de pièces de théâtre et de scénarios… Il a été traduit dans de nombreuses langues, et a reçu de nombreux prix littéraires (par ex. « Herder Prize », en 1995).
Jasna Samic, née à Sarajevo, vit à Paris où elle écrit en bosniaque
(serbocroate) et en françait. Elle a publié des romans, nouvelles, poésies, pièces de théâtre, essais; elle est aussi metteur en scène et l'auteur de films documentaires.
MIRKO KOVAC
Tiré de la POURRITURE EUROPEENNE
Traduit par Jasna Samic
&10.
De nombreuses fois, on insista que je dise pourquoi j’écrivais,
Evidemment, j’ai évité la réponse,
Bien que les écrivains aiment répondre à cette question,
Prudemment ou avec charme, ironiquement ou avec inquiétude,
Mais le plus souvent en philosophant sur cette malédiction,
Car tout art mérite une critique;
Néanmoins, personne autant qu’un écrivain ne doute de soi-même,
Et personne autant que lui ne se pavane de ses doutes;
Personne autant que lui ne comprend l’absurdité de son travail.
Certains écrivains sont drôles, mentent intelligemment,
Et disent qu’ils écrivent pour améliorer le monde,
Pour sentir l’obscurité, pour que le clandestin devienne public,
Pour remercier Dieu de les avoir remplis de sainteté,
Pour pouvoir être contradictoires et prendre plaisir dans leurs insolence,
Pour être aimés par leurs amis du fait de savoir manipuler la plume,
Pour rendre joyeux les autres,
Car tout ce qu’un écrivain a écrit, ne lui appartient plus,
Etc , etc…
Néamoins, aucune réponse à cette question n’est la vraie.
Quant à moi, je préfère ce que quelqu’un a dit :
“La consolation de l’écrivain est d’écrire pour l’amour de l’écriture”.
….
J’aimerais écrire un livre qu’on ouvrirait parfois
Comme on ouvre un dictionnaire,
J’aimerais écrire un livre pour le lecteur qui prend plaisir dans l’imprévisible,
J’aimerais que mon livre soit l’encouragement pour sa passion.
L’écrivain devrait développer les événements jusqu’au merveille,
Devant les yeux de son âme tout doit grandir jusqu’à en devenir invisible.
TRULEZ… p. 26
&2.
Sois téméraire et transmets sans délai
Tous les paragraphes d’une oeuvre dont tu as besoin,
Car tu as raison de le faire à ta guise,
Prends tout ce qui est déjà dit, tout ce qui est mieux de ce que tu diras,
Prends tout ce que tu diras qui est mieux de ce qui est déjà dit,
Car tout ce que tu empruntes d’un ouvrage est comme de l’argile sous les doigts d’un sculpteur.
Seul le grand esprit peut être libre,
Les autres sont bornés, pauvres lâches.
Seul le grand esprit fait un choix y ajoutant sa contribution,
Car ce que tu as trouvé pour emprunter d’un ouvrage fut précédé par ton imagination
Et ta volonté intellectuelle qui t’approuva: tout ce qui vaut t’appartient,
Tu es là pour transformer tout en un événement,
Tout ce que tu as vécu comme ce que tu as lu;
Ce choix deviendra alors ton langage, ton style
Et ta conception du monde.
Lutte de sorte que tu puisses être responsable uniquement devant l’art,
Faulkner pensait ainsi également: “Tout y est sacrifié – l’honnêteté, orgueuil,
Politesse, sécurité, plaisir, tout, avec un seul but : écrire un livre.
L’écrivain n’hésitera pas de voler sa propre mère, s’il le faut”.
Alors que J.L. Borges disait dans un amphithéâtre parisien: “Il n’y a rien au monde qui ne soit un stimulant pour la pensé”.
Déclare que l’esprit est ton domaine, prends en beaucoup car tu en donnes autant,
Tu es courageux, et c’est ta vertu; c’est pourquoi on pointe le doigt sur toi, mais ne t’en fais pas, résiste,
Pense à Jonathan Swift qui, il y a longtemps, écrivait :
“Lorsqu’un vrai génie apparaît dans le monde,
On le reconnaît selon l’indéniable signe :
tous les idiots sont contre lui.”
Pendant que j’écris cela, je pense sans cesse à toi, mon ami,
Tout en voyant ton sourire que j’aime tant, qui
frémit sur ton majestueux visage.
TOI NOSTALGIQUE DU VELOUR
à Jasna
Toi qui attends une voix,
belle et douce, empreinte de tendresse
une nouvelle suave, légère comme une plume,
offrande pure comme une vierge,
irréelle, sans corps, fine et
sublime:
Beauté,
Grâce mystique
inaccessible et possible,
chimérique car elle t’échappe, penses-tu;
tu veux le saisir, le sublime cadeau, le sentir et palper,
caresser et posséder,
ne serait-ce qu’un instant?
instant que tu prolongeras
dans ton souvenir devenu tangible,
puis tu voleras avec lui,
emporté par lui.
Peut-être le tiens-tu déjà – cet objet sans nom, en le caressant,
signe de quiétude, telle la tombée de jour, le désirant tant,
et le désir n’est-il pas lui-même signe de vie,
soif née de rêves tendres et suaves
- quel nom lui donnes-tu ? -,
alors qu’une sublime beauté se posera bientôt
tel un oiseau blanc dans tes bras,
la colombe qui t’apportera un doux cadeau,
douce offrande portant tendre nouvelle:
tu t’envoleras prochainement
là où ton désir te porte.
Si tu touches cette offrande sans nom,
elle reviendra autrement
que celle de ton rêve.
D’abord, tu ne verras pas
ton rêve devenu réel,
mais vite comprendras :
il viendra comme un signe,
ou peut-être chose vraie,
tu lui insuffleras la Beauté,
saveur et tendre passion, ravissement et
joie, rayonnement et paix :
ton éternel rêve;
seraient-ce un calme angélique, quiétude et douceur
célestes que tu rejettes à présent.
C’est ta Beauté que tu veux toucher
Qui prendra des ailes
C’est ta poésie
Velours de ton âme nostalgique
L’hirondelle soyeuse que jadis tu caressas.
Cela tient à toi de choisir comment et quand
Tout cela sera incarné
Taduit par J.S.
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